CDM-QATAR 2022: ANALYSE/ L’ESPAGNE, UNE DÉFAITE IDÉOLOGIQUE ?
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CDM-QATAR 2022: ANALYSE/ L’ESPAGNE, UNE DÉFAITE IDÉOLOGIQUE ?

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Faisant du football de possession son cheval de bataille et l’élément essentiel de son identité, la sélection espagnole de football a échoué pour une seconde fois d’affilée en huitièmes de finale de la Coupe du monde. De Lopetegui à Luis Enrique, l’Espagne a encore sombré et a été éliminée malgré une domination outrageuse dans le jeu. Le jeu de possession est-il inefficace ? Est-ce une défaite ideologique ? La fin d’un modèle de jeu ?

Depuis la Coupe d’Europe 2008, la Roja se fait l’ambassadeur du jeu de possession, du tiki-taka, du football total qui allie à la fois : maîtrise technique, jeu de mouvements et de position à la perfection. La Roja avait tout raflé sur son passage entre 2008 et 2012 remportant deux coupes d’Europe et une Coupe du monde sur la période. Cette période faste coïncidait, au niveau des clubs, avec la domination de l’Europe par le FC Barcelone de Pep Guardiola. D’ailleurs, l’ossature de cette sélection espagnole était composée majoritairement de joueurs du FC Barcelone (7 joueurs titulaires sur 11).

Cependant, depuis la finale de la Coupe des confédérations perdue contre le Brésil en 2013 (3-0), l’Espagne enchaîne les contre-performances avec une élimination au premier tour de la Coupe du monde 2014 et aucune finale disputée depuis lors.

Le début de la fin?

En 2014, la Roja s’était fait malmenée par une séduisante sélection hollandaise qui pratiquait à merveille le football de transition avec des contre-attaques rapides et surtout une organisation défensive impressionante. La machine espagnole qui ravageait tout sur son passage semblait à bout de souffle et incapable de bouger les lignes des équipes défendant avec un bloc bas. Aussi, s’est-elle fait éliminer dès le premier tour.

Plus tard, en 2018, avec une ossature plus madrilène que barcelonaise, l’Espagne, ayant à sa tête Julien Lopetegui, a encore sombré face à une solide sélection croate en huitième de finale malgré 1008 passes réalisées au cours du match. Une domination encore stérile qui n’aura pas suffi à lui faire passer le cap.

Luis Enrique, le renouveau

À la prise de fonction de Luis Enrique, la sélection espagnole semblait rejoindre de sa superbe en pariant sur de jeunes joueurs comme Pedri, Gavi, Ansu Fati, Yeremy, Oyarzabal. Un pari plus ou moins réussi puisqu’elle avait atteint les demi-finales de l’ Euro 2021, le dernier carré de la Ligue des Nations. D’ailleurs Pedri avait terminé meilleur jeune joueur de la dernière coupe d’Europe.

Fort de ses résultats et de son jeu plaisant, l’Espagne était considérée comme l’un des grands favoris de la Coupe du monde 2022. Elle avait d’ailleurs débuté sous des chapeaux de roues avec un 7-0 infligé au Costa Rica lors du premier match. Elle a ensuite été tenue en echec (1-1) par la sélection allemande de football. Cependant, les doutes ont commencé quand elle a perdu (1-2) face à une sélection japonaise physique, ultrarapide, faisant un pressing constant et bien organisée défensivement. Finalement, elle a été éliminée aux tirs au but en huitièmes de finale face à une solide équipe marocaine, malgré 1019 passes réalisées dans la rencontre.

Le modèle espagnol est-il dépassé, obsolète ?

Plus d’un serait tenté de pointer du doigt le modèle de jeu proposé par l’Espagne depuis 15 ans. Pour certains, ce modèle pèche par excès de possession et d’un manque de réalisme voire d’inefficacité tout court. Car, à quoi sert de réaliser plus de 1000 passes quand on n’arrive même pas à tirer au but voire à marquer des buts? Ce même problème semblait ronger celle de 2018 voire celle de 2014.
Cependant, voir uniquement le problème de ce point de vue paraît simpliste. Les deux résultats se ressemblent ainsique le jeu proposé mais les causes sont différentes.

Le diagnostic

En 2014, la génération dorée qui avait dominé l’Europe pendant de nombreuses années était vieillissante et sur une pente descendante. Les dépositaires du jeu espagnol, en l’occurence Xavi Hernandez et Andrés Iniesta étaient en méforme et le trio Torres-Villa-Pedro était loin de ses années de gloire. L’ Espagne n’arrivait pas à se réinventer avec des cadres rassasiés et très en dessous de leur forme.

En 2018, Lopetegui essayait de réaliser la transition avec les Isco, Koke, et autres Thiago Alcantara mais ces derniers étaient incapables de frôler la perfection comme le trio Busquets- Xavi- Iniesta. Ils étaient certes talentueux mais le trio précédemment cité était ce qui se faisait de mieux dans ce secteur. De plus, l’Espagne n’avait pas d’attaquants tranchants ni d’individualités capables de transcender le collectif ou d’apporter plus dans le secteur offensif.

Et 2022?

Cette équipe montée par Luis Enrique a ses propres problèmes. Premièrement, un manque flagrant de leadership s’est fait sentir. Si Luis Enrique a fait le choix de ne pas appeler Sergio Ramos, il n’y avait sur le terrain personne capable de remotiver les troupes dans les moments difficiles.

De plus, l’équipe espagnole est relativement jeune. Cette jeunesse est certes synonyme d’audace (comme Gavi), d’immense potentiel (comme Pedri, Nico Williams et Balde) mais aussi d’inexpérience qui se paie souvent chère à ce niveau de la compétition.

Enfin, le problème de cette sélection espagnole est aussi celui du football espagnol dans son entier. En effet, on aura beau critiquer Luis Enrique pour ses choix (parfois osés), il n’en demeure pas moins vrai que l’ Espagne ne produit plis d’attaquants de classe mondiale. Il suffit de jeter un coup d’oeil dans les clubs d’élite pour constater la carence. Au Barça comme au Réal ou à l’ Atletico, les titulaires en attaque ne sont pas Espagnols. Pour couronner le tout, le Réal domine l’Europe et pourtant Dani Carvajal est le seul joueur espagnol titulaire de l’effectif. Seul le Barça semble accorder une grande place aux joueurs espagnols même si Ferran Torres et Ansu Fati sont sur le banc des remplaçants cette saison.

Bref, les meilleurs attaquants espagnols jouent dans des clubs de seconde zone: Moreno, Morata, Olmo, Nico Williams et autres Ferran Torres sont un cran en dessous des grands attaquants du moment. Or, ce modèle de jeu nécessite des qualités footballistiques exceptionnelles et une inefficacité que ces attaquants espagnols actuels sont loin de détenir.

Tout compte fait, le modèle espagnol persiste, le manque de résultats aussi, cependant d’une époque à l’autre, les causes des problèmes diffèrent.

Est-ce à parler pour autant de la fin ou de la mort du jeu de possession?

DOMOND WILLINGTON/FOOTKOLE


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