FOOTBALL – ANALYSE : EN HAÏTI, LE FOOTBALL SE MEURT, LES TALENTS SUR LE QUI-VIVE
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FOOTBALL – ANALYSE : EN HAÏTI, LE FOOTBALL SE MEURT, LES TALENTS SUR LE QUI-VIVE

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Le football haïtien poursuit sa descente aux enfers plus de 3 ans après sa suspension par la Fédération Haïtienne de Football (FHF), coiffée par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) le 4 juin 2021. Le déclic a commencé avec la propagation de la pandémie de COVID-19 qui, à l’époque, tuait et contaminait des gens en Haïti. Et depuis lors, tout est naufragé, avec, notamment, les turbulences socio-politiques et la prolifération des gangs armés. D’un coup, le football meurt en Haïti et les talents disparaissent !

Aucune rencontre internationale de football n’a été disputée en Haïti de manière officielle, que ce soit sous les ordres de la FIFA, soit encore la CONCACAF allant de fin mai 2021 jusqu’au début de juin de la même année. Ce coup d’arrêt qui dure déjà deux ans, résulte de la suspension en date du 4 juin 2021, des différents championnats nationaux, masculins et féminins charpentés par la FHF. Les autorités de cette dernière et celles du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) s’étaient réunies pour sceller cette décision en vue d’éviter l’aggravation de la situation sanitaire du pays due à la pandémie de COVID-19 qui était à son pic dans ces moments.

« Suite à la décision du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) d’arrêter toutes les manifestations sportives en vue de lutter contre la propagation de la COVID-19, la FHF se voit obliger de surseoir à l’organisation du championnat National de Première Division jusqu’à nouvel ordre, notamment la programmation de la 10ᵉ journée de la série de clôture », avertissait la note portant la signature du Secrétaire général d’alors de la Fédération Haïtienne de Football (FHF), M. Carlo Marcelin.

La crise socio-politique, le plus grand blocage de la reprise des différents championnats

En Haïti, jamais un mois ne s’écoule sans qu’une nouvelle crise sociale et politique ne s’installe. Lorsqu’il ne s’agit pas de manifestations de rues dans l’objectif de réclamer la démission, soit d’un Président, soit d’un Premier Ministre pour mauvaise gouvernance, c’est celle de la rareté de carburant à la pompe qui bouille toute la République. En conséquence, les tronçons de route servant de passage aux bus transportant les équipes d’une ville à une autre sont souvent réfrénés et y ceci pour plusieurs mois. Malgré tout, les autorités concernées n’ont pipé mot pour tenter de remédier à la situation.

L’Insécurité, le lourd fardeau qui pèse sur le dos des dirigeants et plombe la carrière des joueurs

Si la pandémie de COVID-19 a été le déclic de la descente aux enfers des championnats nationaux en Haïti, l’insécurité est la deuxième cause majeure de la “mort” du football haïtien. Ainsi, aucun des deux clubs léoganais, à savoir le Cavaly AS et le Valencia FC, ne peut oser quitter leur fief pour rallier la capitale haïtienne afin d’affronter les équipes qui y séjournent (vice-versa), par crainte d’être pris en otage sur la route de martissant, entrée sud de Port-au-Prince occupée par trois gangs armés depuis le 1ᵉʳ juin 2021.

La situation n’est pas différente pour les clubs établis dans le département de l’Artibonite. En effet, ni le Baltimore SC, ni le Tempête FC ne peuvent pas laisser la ville de Saint-Marc même pour disputer un test match face à l’Union Sportive Rivartibonitienne (USR) à cause de la présence du gang “Gran grif” qui contrôle la commune de Petite-Rivière.

Dans cette même lignée, se rendre aussi aux Gonaïves afin d’échanger les crampons avec les formations de la cité de l’indépendance, pour ces clubs, reste et demeure aussi un défi. L’occupation du quartier dénommé “Lacroix Périsse” par le gang “Kokorat san ras”, reste l’obstacle majeur pour toute personne qui souhaite emprunter cette route. Somme tout, le déplacement d’une ville à une autre dans le cadre des activités sportives ou autre, n’est pas une garantie.

Le kidnapping se mêle de la partie !

À défaut de jouer au football professionnel, de nombreux footballeurs se sont livrés à la pratique des championnats de vacances pour empocher un peu d’argent. Léogâne, Saint-Marc, Gonaïves sont les bastions de ces compétitions. En bravant le danger pour rejoindre les équipes dont ils défendent les couleurs, certains joueurs se sont fait enlever et sequestrer avant d’être libérés contre rançons pour la plupart. Les dernières et récentes victimes sont Jean Gardy Innocent, Peterson Revange et Wendy Saint-Juste. Ces joueurs respectivement du Don Bosco FC, du Violette AC et du Baltimore SC avaient été enlevés le 19 juin 2023, à Lacroix Périsse, entrée sud des Gonaïves, alors qu’ils regagnaient la Cité de l’Indépendance pour participer à un match de football. L’un d’eux avait été relâché le même jour, et les deux autres, le lendemain.

En Haïti, le football meurt, les talents disparaissent !

La situation qui sévit en Haïti paralyse le fonctionnement des écoles de football et les centres de formation de clubs haïtiens dans la capitale et dans des villes de province. Cela a causé une rareté de talents même au niveau des différentes sélections haïtiennes masculines et féminines de football. Ainsi, la totalité des joueurs et joueuses des sélections séniors évoluent à l’étranger et bons nombres parmi eux et/ou elles sont des binationaux ou binationales. Steven Saba, le milieu de terrain du Violette AC qui devrait être le seul rescapé du Championnat haïtien de Football Professionnel (CHFP) à arborer le maillot de l’équipe masculine senior, n’est plus convoqué après l’échec de la Gold Cup 2023.

Les clubs haïtiens exclus de toutes les compétitions de la CONCACAF !

« Aucun club haïtien n’est habilité à prendre part aux prochaines compétitions des clubs de la CONCACAF pour la saison 2023/2024 ». Cette décision a été prise le 21 avril 2023, par l’instance dirigeante du football de la zone (CONCACAF), à travers un communiqué publié sur son site officiel. Cette sanction est prononcée contre les clubs haïtiens en raison du fait que la COCHAFOP (Commission d’organisation du championnat haïtien de football professionnel) n’a organisé aucune compétition en 2022, ont fait savoir les dirigeants de la CONCACAF. L’impossibilité de la sélection haïtienne, ainsi que les clubs d’accueillir des matches internationaux au stade Sylvio Cator, est aussi l’une des causes de cette censure de la CONCACAF.

Que faire pour redonner vie au football en Haïti ?

À plusieurs reprises, les membres du Comité de Normalisation et quelques Dirigeants de clubs de Première Division se sont réunis pour essayer de trouver une issue pour la reprise du Championnat Haïtien de Football Professionnel (CHFP), mais jusqu’ici rien n’a été encore fait. Organiser des compétitions régionales avec les clubs partageant presque la même zone, était la proposition discutée entre les acteurs. Si certains dirigeants se disaient pour, d’autres s’y opposent, évoquant la situation sécuritaire du pays comme blocage. Et dans l’intervalle, d’autres protagonistes parlent de boycottage.

En somme, la reprise des différents championnats nationaux haïtiens n’est pas pour demain ni l’après-demain. Le Football reste paisiblement dans son petit cercueil et nos talents s’arment de plus en plus pour rester en vie.

 

Célou FLÉCHER / FOOTKOLE


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