FOOTBALL-CHFP : LE FOOTBALL HAÏTIEN ET LA NUTRITION, UN MARIAGE DES PLUS DIFFICILES
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FOOTBALL-CHFP : LE FOOTBALL HAÏTIEN ET LA NUTRITION, UN MARIAGE DES PLUS DIFFICILES

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La pratique du sport de haut niveau répond à des normes spécifiques tant sur le plan organisationnel que personnel.Le football n’y échappe pas et a ses propres exigences dont l’une des plus importantes est la nutrition des footballeurs qui devraient prêter une attention soutenue à leur alimentation, peu importe le niveau concerné (amateur, semi-professionnel et professionnel) car un lien étroit s’établit entre l’apport nutritionnel et la performance des athlètes . Dans le football haïtien, ce sujet semble négligé voire oublié. Pourquoi un tel désintérêt? Et quelles en sont les conséquences?

Surnommé ironiquement par les amateurs haïtiens de ” football créole”, le championnat haïtien de football professionnel semble répondre à ses propres normes loin des standards internationaux. Des infrastructures défaillantes voire inexistantes à une organisation chaotique, les problèmes sont pléthores et les normes galvaudées. Parmi elles, force est de constater un mépris total de l’aspect nutritionnel dans le football haïtien.

LE TABLEAU

Si le championnat haïtien est qualifié de ” professionnel” par les responsables de la fédération haïtienne de football, il n’en est rien dans la pratique et la négligence en ce qui a trait à la question de la nutrition en est un parfait exemple. En effet, après une enquête menée auprès de joueurs et des responsables d’équipe, il s’avère que les joueurs haïtiens se nourrissent mal et ont tout carrément peu ou pas d’informations sur cette question. Une situation qui ne semble pas trop préoccuper les responsables de la fédération haïtienne de football.

Interrogé à ce sujet, Mathador Pierre Max, jeune milieu de terrain qui a évolué en première division au sein de l’AS Sud-est et au Victoria FC, avoue : ” La question de la nutrition est complètement négligée au sein des clubs. On mange à n’importe quelle heure car on n’a pas de nutritionnistes pour nous conseiller à ce sujet ni les moyens adéquats pour se procurer les meilleurs aliments. Comment imaginer un joueur de football manger du riz et de la viande servis par le club à deux heures avant un match qui débute dans les deux (2) prochaines heures?”

Un constat alarmant que partage M. Valéry Volcy, ancien secrétaire général de l’ AS Sud-est et fondateur de JAF (Jacmel Académie de football). ” La question nutritionnelle est le plus grand fléau du football haïtien. Les clubs n’ont pas de nutritionnistes et on peut voir que les joueurs haïtiens ne sont pas très développés. Les jeunes joueurs ressemblent à des enfants par rapport aux autres athlètes étrangers de leur âge”, constate ce dernier.

Enfin, le docteur Loubert Montout, ancien entraîneur de Marigot Sport, s’est aussi plaint de la même situation: ” Lors de mon passage à la tête de cette équipe, c’était le problème principal. Les joueurs n’avaient pas de quoi manger correctement et avaient de mauvaises habitudes alimentaires par manque de connaissance. Ils prenaient la plupart du temps des boissons gazeuses à la place des jus naturels et prenaient des aliments inadéquats pour un sportif. C’est un véritable fait réel dans le football haïtien”, s’est plaint-il.

Le tableau semble peu reluisant d’autant plus que les clubs ne disposent pas de moyens nécessaires pour répondre aux normes de nutrition de joueurs de football.Cette situation a aussi un lien direct avec la situation de misère généralisée qui sévit dans le pays. En effet, selon les rapports du Programme Alimentaire Mondial, plus de 4 millions d’ haïtiens sont confrontés à une situation d’insécurité alimentaire grave. Malheureusement, la grande majorité des joueurs de football sont issus des quartiers les plus défavorisés et y vivent encore. Leur maigre salaire au sein des clubs ne peuvent également pas leur offrir le luxe de manger à leur guise les aliments de grande qualité nécessaires aux sportifs.

 

La nutrition, pierre angulaire du sport

À la conférence de consensus FIFA/F-MARC sur la nutrition dans le sport tenue à Zurich en septembre 2005, un ensemble de conclusions ont été émises en ce qui a trait à l’alimentation des joueurs et à son importance. Il a été prouvé que le régime alimentaire a une influence sur la performance des joueurs et que les aliments qu’ils choisissent, à l’entraînement ou en compétition, influent sur la qualité de leur entraînement et de leur jeu. En effet, un bon régime alimentaire a un impact maximum sur l’entraînement, car il permet à un sportif de supporter les exercices intenses, tout en limitant les risques de maladies et de blessures. Il peut également améliorer l’adaptation au stimuli de l’entraînement. Il faut donc un apport balancé et équilibré pour ne pas augmenter la masse graisseuse corporelle et affecter négativement la performance.

Aussi, les joueurs doivent-ils connaître la nature des aliments qu’ils choisissent de manière à satisfaire leurs besoins en glucides (carburant du muscle), en protéines (masse musculaire) et en lipides (graisses) et le moment le mieux adapté à leur organisme pour la prise de ces aliments.

Selon ces mêmes conclusions, une alimentation bien choisie offre de nombreux avantages comme l’optimisation du programme d’entraînement, l’amélioration de la récupération pendant et entre les entraînements et les compétitions, le maintien d’un poids corporel et d’un physique idéals, la réduction du risque de blessures et maladies, etc…

Force donc est de constater l’importance capitale de la nutrition dans la vie d’un footballeur professionnel, semi-professionnel voire amateur.Le non respect de ces normes risquent donc bien d’avoir des conséquences à long terme sur les joueurs.

Les conséquences du non respect de ces normes dans le football haïtien

Au vu de ces recommendations, il va de soi que le football haïtien et les normes en matière nutritionnelle ne marchent pas de pair et les conséquences sont des plus visibles. En effet, le niveau de jeu dans le football haïtien est très faible avec des joueurs soit en surpoids soit peu athlétiques voire atrophiés incapables de jouer les 90 minutes de manière optimale. Aussi, la performance des joueurs est-elle en deçà du niveau espéré et leur santé défaillante.Ces derniers ne peuvent donc atteindre leurs objectifs spécifiques.

Que faire?

Face à cet état de fait, une restructuration des clubs s’avère nécessaire pour répondre aux différents besoins des joueurs et aux normes établies en matière de nutrition. À ce titre, la présence d’un conseiller diététique et de medecins spécialisés au sein des clubs serait un atout intéressant. De ce fait, des séances de formation en nutrition pourraient aider les joueurs à mieux se nourrir et à manger de façon intelligente pour donner un meilleur rendement sur le terrain.

Par ailleurs, la fédération haïtienne de football et l’ État haïtien devraient apporter un support technique voire économique aux clubs pour les soutenir et les aider à répondre aux differents défis.

Enfin, les clubs pourraient établir une grille de salaire pouvant offrir aux joueurs les moyens de subvenir correctement à leurs besoins et de mieux se nourrir afin d’optimiser leurs performances et d’atteindre leurs objectifs.

Le mariage tant attendu aura-t-il lieu un jour entre bien se nourrir et jouer au football en Haïti?

 

DOMOND WILLINGTON / FOOTKOLE


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