HAÏTI : LE FOOTBALL HAÏTIEN DANS LA VALLÉE DE L’OMBRE DE LA MORT
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HAÏTI : LE FOOTBALL HAÏTIEN DANS LA VALLÉE DE L’OMBRE DE LA MORT

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Tapie dans l’ombre, la mort guettait avec effroi le moindre pas titubant du football haïtien pour porter son costume de régicide. Cependant, depuis 2020, Haïti semble avoir franchi le pas, la ligne interdite avec la recrudescence de l’insécurité ponctuée par la redoutable guerre des gangs. Ce climat délétère, au fil des ans, a précipité le football haïtien dans la vallée de l’ombre de la mort. Un chemin qu’il avait déjà commencé à emprunter avec les nombreux scandales dont était l’objet le bureau fédéral de la FHF. Le sport-roi du pays semble finalement être en phase terminale avec l’insécurité galopante qui pollue l’espace vital haïtien.

Petit État de la Caraïbe, Haïti vit un contraste permanent tout au long de son histoire. Si elle est le pays le plus pauvre d’Amérique, elle jouit aussi d’un prestige et d’une grandeur éternels de par son histoire. Ce contraste est aussi visible dans d’autres domaines comme le football. En effet, s’il est le sport le plus aimé par les Haïtiens, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est l’objet d’une gestion catastrophique et qu’il connaît les plus grands maux.Le tableau des deux dernières années est d’ailleurs peu reluisant.

Mêlés dans des scandales d’abus sexuels sur mineurs, plusieurs hauts responsables de la fédération haïtienne de football ont été sanctionnés par la FIFA. C’est le cas de l’ex-president Yves Jean Bart, radié à vie par la FIFA de toutes activités liées au football, mais aussi de Rosnick Grant, le président de la Commission nationale des arbitres. Ce scandale a mis à nu des problèmes graves qui rongeaient le football haïtien. Soupçons de corruption, pots-de-vins, abus sexuels, mauvaise gestion: Un menu bien chargé qui enfonçait le football haïtien dans les abîmes. Comme palliatif, la FIFA avait décidé d’envoyer une commission de Normalisation avec comme feuille de route l’organisation des élections à la FHF et la restructuration du football en Haïti. Si elle était porteuse d’espoirs, la Commission de Normalisation n’a en réalité rien normalisé et surtout semble avoir sonné le glas du football haïtien par son laxisme, son inaction et son manque de connaissance de la réalité de l’univers du football haïtien. Alité, le football haïtien plongeait lentement dans un coma profond.

*Et les Gangs s’en mêlent*

Dans ses propres tourments, le football haïtien allait subir et subit encore de plein fouet les impacts de la guerre des gangs qui asphyxient la Capitale haïtienne et ses environs. En effet, depuis 2020, l’entrée Sud de la Capitale haïtienne est contrôlée par le gang de Village de Dieu qui en a fait la Vallée de la mort. En moins d’un an, une situation similaire allait se développer dans l’entrée Nord de la Capitale avec celui des 400 Mawozo. Depuis, un véritable étau allait se refermer sur le pays dont le quotidien est marqué par le kidnapping, les exécutions sommaires, le viol et surtout une situation de misère insupportable. Il faut dire que le grand banditisme avait déjà commencé à s’organiser bien avant ces dates et ont commencé à semer la terreur dans la société.

Cet état de fait a malheureusement touché de plein fouet le sport-roi haïtien. En effet, les équipes de football haïtiennes allaient être victimes de kidnapping , de paiement forcé de fortes rançons aux gangs.C’est le cas du Baltimore SC de Saint Marc dont le bus transportant les joueurs a été appréhendé près du Carrefour de Marmelade par des bandits armés le 20 mars 2017 et incendié.La délégation du club saint marcois revenait de Ouanaminthe dans le cadre de la troisième journée du championnat haïtien de football professionnel. En Avril 2018 la délégation de l’AS Mirebalais a été la cible d’attaque armée des bandits. En septembre de la même année , le coach du Real Hope Academy, Rosemond Pierre a laissé sa peau à l’Arcahaie, dans des circonstances douteuses. Un an plus tard, soit le 19 octobre 2019, le bus du Racing des Gonaïves a été attaqué par des malfrats qui avaient emporté téléphones, chaussures, bijoux, argent, etc..

Plusieurs autres cas sont aussi à déplorer. En effet, le samedi 14 mars 2020, le coach Nickson Bonhomme a été tué par balles alorsqu’il revenait d’une séance d’entraînement avec son école de football au Stade national Sylvio Cator.

Par ailleurs, en revenant de Léogane, après avoir battu le Cavaly 3-0, le jeudi 10 décembre 2020, dans le cadre d’un match en retard de la 14eme journée du championnat Haïtien de Football Professionnel, l’Arcahaie FC s’est fait braquer au niveau de Trois Mains (Route de l’aéroport).

Un an plus tard, la délégation de l’As Cavaly qui évoluait en D1 a été victime le samedi 07 mai 2021, à la rue Oswald D(Port-au-prince), alors qu’elle se rendait dans un laboratoire pour effectuer les tests du Covid19 exigés par la FIFA-Concacaf avant sa participation au Flow Caribbean Club Championship en République Dominicaine.

La recrudescence de la violence des gangs et l’insécurité qu’elle génère allaient donc encore mettre à mal un football haïtien déjà fragile. Les différents championnats nationaux du pays sont tout simplement suspendus en raison de l’insécurité.

QUE FAIRE?
Aussi, à la question de savoir si une reprise du championnat national de football est d’actualité, l’ancien secrétaire général de l’ AS Sud-est et actuel responsable de Jacmel Académie de football, Valéry Volcy a répondu par la négative. Pour ce dernier, ce n’est même pas une option, vu la situation. ” Pour être honnête, le climat n’est pas favorable. Le pays évolue dans un contexte sociopolitique difficile où chaque zone est contrôlée par des gangs armés. De plus, l’économie étant en ruine, les clubs ne trouvent plus de sponsors et sont donc dans l’incapacité de payer les joueurs”, a-t-il estimé , l’air résigné.

Le journaliste sportif et fondateur d’Athletic Club de Jacmel, Michel Louissaint a abondé dans le même sens que le premier cité. Pour lui, le football est tout simplement mort en Haïti. ” Dans l’état actuel du pays, personne n’est épargné par l’insécurité. Le championnat est inconcevable en ce moment. Avant , un climat de violence rongeait déjà le football haïtien. Mais, pour le moment. Le football est fini. On a touché le fond. La seule option possible serait d’organiser des championnats régionaux pour maintenir les équipes en haleine. Les déplacements d’un département à l’autre est impossible”, a-t-il soutenu.

Ce constat alarmant est partagé par tous les acteurs du football haïtien interrogés sur la question qui se plaignent de l’extinction progressive du football haïtien à cause des facteurs extrasportifs. Rappelons qu’outre la violence qui lui est inhérente, l’insécurité entraîne dans ses sillages la pauvreté, l’inflation et la décapitalisation des classes moyennes voire la fermeture de nombreuses entreprises locales qui soutenaient les clubs déjà pauvres.

Force est de constater que le football haïtien est l’une des plus grandes victimes de l’insécurité qui sévit en Haïti. Adulé comme un roi, aimé comme une diva, le football haïtien vit des heures sombres. La mort , de sa faux dangereuse, le menace à chaque seconde, aidé par incoscients fils du pays.

Comme un pauvre acteur, le football haïtien se pavanne dans la Vallée de l’ombre de la mort, portant malgré tout comme un dernier souffle l’amour inconditionnel que lui porte tout un peuple.

L’amour suffira-t-il pour dissiper cette ombre si noire qui s’épaissit sous le poids des ans?

DOMOND WILLINGTON/FOOTKOLE


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