RÉCIT : HAÏTI ET LES MONDIAUX, DE LA RÉVÉLATION À LA MALÉDICTION
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RÉCIT : HAÏTI ET LES MONDIAUX, DE LA RÉVÉLATION À LA MALÉDICTION

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La participation de la sélection haïtienne masculine des moins de 17 ans au mondial brésilien n’est autre que la quatrième qualification de cette nation dans une phase finale de coupe du monde (toutes catégories confondues). Si cette stat rend fière, le bilan comptabilisé durant les compétitions est le revers de la médaille. Venons-en aux faits !

Une contre-performance pour débuter : voilà une tendance chez les sélections nationales dans les phases finales de coupe du monde. Ce dimanche, cette nouvelle génération n’a pas échappé à ce qui constitue dorénavant une règle. Les petits Grenadiers ont essuyé une défaite face à la Corée du Sud pour leur entrée en lice. Rien de bien alarmant. Néanmoins, le problème est profond. C’est même une histoire !

C’est l’histoire des années de conquêtes et de boulettes. L’histoire d’un temps de lumière et de trous noirs. L’histoire d’un mal abyssal qui, à force de perdurer, pèse dans les têtes. L’histoire d’une sélection qui cherche dans ses exploits un brin de satisfaction. En bref, l’histoire d’Haïti qui, après quatre participations à une phase finale de coupe du monde, court toujours après son premier succès. Alors, pour bien mesurer le côté spectaculaire de cette catastrophe, il faut remonter à la source.

La révélation

La décennie 70 est considérée par beaucoup d’observateurs comme l’âge d’or du football haïtien. Il y a eu tout : talents, résultats et exploits tant sur le plan international que sur le plan planétaire. Mais, bien avant d’étaler les performances des années de cette décade, il faut jeter un coup d’œil aux années antérieures.

En juillet 1953, Haïti devient le premier pays de la confédération caribéenne (CCCF) a disputé un tour préliminaire de coupe du monde. Certes, le Cuba a disputé le mondial français de 1938, mais à l’époque, celui-ci faisait partie de la NAFC (North American Football Confederation) qui regroupait également le Canada, les États-unis et le Mexique.

Si pour notre première, on a passé à côté de la plaque, pour notre deuxième en 1969, la chance ne nous a pas souri. Après avoir passé le premier tour et les demi-finales aux dépens des USA (2-0; 1-0), Haïti a buté sur le Salvador. Pourtant, les Grenadiers ont rectifié le tir au match retour en s’imposant (3-0) après leur défaite (0-1) au match aller. Avec ce résultat aujourd’hui, Haïti logiquement aurait empoché son billet sauf qu’à cette époque en cas d’égalité, la règle stipule un match d’appui pour le départage. Ce match d’appui, Haïti l’a perdu 0-1 après prolongation.

Quatre ans plus tard, c’était la bonne. Déjà finaliste au championnat de la CONCACAF en 1971, la 6e édition, organisée deux ans plus tard, servait de cadre aux éliminatoires de la Coupe du monde de football 1974. La phase finale de ce tournoi a été jouée à Port-au-Prince et Haïti a remporté haut la main cette dernière, empochant dans la foulée l’unique billet disponible pour la zone. Arrivé en Allemagne dans le groupe IV, Haïti était consciente qu’elle est déjà à son paroxysme. Car, affronter l’Italie, c’est pas affronté uniquement le double champion du monde, mais c’est affronté aussi : Giacinto Faccetti 2e du ballon d’or 65, Luigi Riva 2 fois sur le podium de Ballon d’or (2e en 69, 3e en 70), Gianni Rivera (ballon d’or 69) et surtout Dino Zoff, le meilleur gardien de l’époque a qui, après l’avoir accordé un but, l’euphorie nous a submergé. C’était aussi joué l’équipe polonaise emmenée par Kazimierz Deyna qui était redoutable dans cette décennie 70. Alors là, les défaites étaient plus qu’évidentes.

À gauche Dino Zoff serrant la main à Emmanuel Salon au mondial 1974

Un échec gagnant

Mais tout laissait augurer d’autres participations à cette compétition et bien sûr cette fois-ci avec en prime une victoire. Sauf que mal leur a pris. Haïti a terminé deuxième au championnat de la CONCACAF de 1977 servant d’éliminatoire pour le mondial mexicain, laissant du coup le champ libre au Mexique qui décrocha l’unique billet. Après, ce fut le néant. Haïti a laissé le football évolué sans elle, faisant de son côté du surplace. Malgré les nombres de participants sont passés de 16 à 24 en 1982, de 24 à 32 en 1998 et de 32 à 48 en 2026, Haïti peine toujours à voir le bout du tunnel.

À la fin de la décennie 90, un projet a été mis en place pour pouvoir participer à nouveau à un mondial, soit celui de 2006. Evans Lescouflair, Secrétaire d’État aux sports et au service civique à cette époque a été l’auteur de ce programme baptisé « opération 2006 ». Si ce programme est un échec dans le fond, car l’objectif fixé n’a pas été atteint, il est quand bien même un succès dans la forme puisque Haïti a su se qualifier pour une autre phase finale de coupe du monde.

En effet, des joueurs issus de l’opération 2006 : tels que Widner St-Cyr, Mechak Jerôme, Peterson Desrivières, Herold Jr Charles, Peterson Joseph et Bitielo Jean-Jacques ont porté cette sélection qui a remporté le tournoi d’Amérique du Nord, centrale et Caraïbe de football des moins de 17 ans. Ce qui leur donna droit de se rendre en Corée du Sud. Héritée du groupe D, qui comptait Le Nigéria, le Japon et la France, Haïti a eu un bilan mitigé. Deux (2) défaites et un nul face à la France.

L’inexpérience snobe le talent

Onze (11) ans après, Haïti revient sur la scène planétaire. La sélection haïtienne féminine des moins de 20 ans pour cette année 2018 s’est qualifiée pour le mondial français. Une qualification arrachée dans la douleur. Elles ont livré un duel sans merci avec les États-Unis en demi-finale. Ce match ponctué d’un nul a tourné dans l’avantage des Américaines aux tirs au but. Tout n’était pas perdu car, il restait le match de classement face au Canada qui a été battu pour sa part par le Mexique. Elles avaient à cœur de prendre leur revanche sur le Canada et elles l’ont fait.

Qualifiée pour la coupe du monde, cette sélection inspirait la confiance tant le talent, l’envie, le courage, la fouge était là. Héritant du groupe D composé de l’Allemagne, du Nigéria et de la Chine, toutes des habituées de cette compétition, Haïti a évité le pire. L’espoir s’est alors fait remarquer. On voyait ces filles réalisées l’impensable d’autant que ces formations restaient sur des performances mitigées lors de la dernière édition : la Chine n’a pas été qualifiée, le Nigéria a laissé la compétition dès la phase de groupe, la France elle, a montré la porte de la sortie à l’Allemagne en quart de finale.

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Face à la Chine (1-2), le Nigéria (0-1) et l’Allemagne (2-3), Haiti a montré tout ce qui pouvait changer la donne, c’est-à-dire obtenir des victoires au lieu de ces revers. Mais, l’inexpérience a snobé cette vaillante équipe qui a dû laisser tôt la compétition de la même manière que ses prédécesseurs.

Carl Fred Sainté, le joueur de la U-17 haïtienne

Un an plus tard, une autre génération rentre dans l’histoire. La U-17 masculins se hisse au rang des meilleurs. Elle est placée dans le groupe C au côté de la France, de Chili et de la Corée du Sud. Pour son premier match face à cette dernière citée, elle a essuyé un défaite 2-1. Haïti n’était pas plus forte ni sur le papier ni sur le terrain que son adversaire, toutefois : on sent qu’elle pouvait faire mieux. Déjà 10 matches en coupe du monde et aucune victoire n’est jusqu’à présent enregistrée. La stat fait tâche. Sauf qu’il y a des raisons plutôt valable pour accepter à celle-ci. Mais la raison a-t-elle toujours raison ? À défaut de trouver la réponse, Haïti a deux matches pour vaincre la malédiction ou la laisser perdurer.

Emmanuel Auguste / FOOTKOLE


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