ÊTRE JOURNALISTE SPORTIF DE PROVINCE EN HAÏTI, UNE VIE DE GALÈRE
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ÊTRE JOURNALISTE SPORTIF DE PROVINCE EN HAÏTI, UNE VIE DE GALÈRE

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En tant que métier peu-évalué, tout n’est pas rose en devenant journaliste sportif en Haïti. Si souvent le choix d’en devenir résulte d’une passion exacerbée pour les disciplines sportives, la réalité du terrain ne sourit que rarement après l’obtention du diplôme. Dans cette ligne d’idée, les journalistes de sport provinciaux sont fréquemment handicapés dans leur fonction de relai d’informations et couverture d’événements sportifs. Entre complexe provincial et salaire exécrable, faire du journalisme sportif en milieu provincial comprend colères, galères et frustrations.

Profession de passionnés, le journalisme sportif a été et est toujours au cœur des débats en ce qui concerne la presse en Haïti. Assez souvent, l’importance de cette frange de la presse se valorise durant les évènements sportifs mondiaux.

« Mon patron mise sur la section sportive quand les compétitions internationales arrivent, comme : la Coupe du monde, la Coupe d’Europe, la Copa américa etc….. », informe Jean Anderson Brevil, journaliste de sport de Lascahobas.

À côté de ces évènements sportifs, les journalistes sportif des provinces en Haïti ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Mis de côté dans la chaîne décisionnelle, ils sont considérés comme un menu fretin dans la hiérarchie des médias et obstrués par la place prépondérante qu’occupe l’actualité politique ces derniers temps dans le pays.

Dans la capitale, le traitement réservé aux journalistes de sport est nettement supérieur à celui infligé à nos confrères de provinces. La situation d’un journaliste de province illustre en ce sens cette affirmation sur les difficultés de nos confrères. Les menaces sont de partout et sans aucune raison valable; il suffit d’être pointé par un détracteur.

« Dans le métier, Je reçois parfois des menaces physiques et verbales. Je me souviens d’une fois, on m’a dit que des chiens dévoreront mon cadavre », se plaint Yves Augustin, journaliste sportif à la radio explosion aux Gonaïves.

Des défis souvent jalonnent le chemin de ces journalistes, puis impactent sur leur pleine capacité et leur rendement. Les bravades auxquelles ils sont confrontés sont multiples et diversifiées. L’accès aux informations locales reste un de leur souci majeur. Les informations internationales, souvent grâce aux smartphones qu’ils manient du moins mieux, connectés à un réseau internet lent et faible, deviennent parfois plus accessibles que les informations locales.

En ce sens, les journalistes sportifs des régions se heurtent à des difficultés majeures d’offrir à leur auditoire, des informations relatives aux évènements sportifs régionaux. Ainsi, face à des communications de plus en plus verrouillées et des risques démesurés, le travail du journaliste sportif provincial se résume à commenter les matchs de football sur le plan international et à un degré moindre pour le foot national.

Le complexe provincial

En plus des facteurs de barricades, verrouillage d’info et le traitement défaveur qui compliquent le métier de ces journalistes sportifs de province, s’y ajoutent des complexes. En province, ce complexe devient un obstacle auxquels ces journaliste doivent franchir. Il y a des questions qui reviennent souvent, et à chaque fois, mettent un peu mal à l’aise certains confrères. Le discours laisse entendre que, sans doute rationnel, la capitale offre plus d’opportunité. C’est dans ce contexte que Mr Brevil, ancien étudiant en journalisme sportif à l’ISNAC, nous confie ceci:

« Etant un jeune très formé, des gens me disent, pourquoi suis-je resté en province ? Pourquoi ne pas me rendre dans la capitale et me faire un nom dans la presse sportive haïtienne. »

De part cette incommodité assez criante qui gangrène l’esprit des fans et auditeurs provinciaux, l’allégorie est que si vous vous installez dans la capitale, vous aurez plus de visibilité et un meilleur cadre de vie. Une source anonyme confie que la majorité des journalistes sportifs des villes de provinces exerce la profession sans aucun diplôme et intègre les médias de manière irrégulière.

Un sentiment d’infériorité

Un journaliste de province tend souvent à surgir un mythe par rapport aux journalistes de la capitale.

« Les journalistes sportifs de la capitale sont extrêmement populaires en province. Dans des matchs, les journalistes de la province parfois veulent couvrir la rencontre, mais le responsable de la barrière ne veut pas les laisser entrer s’ils ne peuvent pas payer l’admission. Quand les journalistes de la capitale arrivent, ils rentrent pour couvrir la rencontre sans avoir à présenter de badge ou d’accréditation », affirme Samsonite Pierre, présentatrice et rédactrice sportive.

Par conséquent, les traitements réservés aux journalistes sportifs de la capitale ne collent pas à ceux infliger aux journalistes sportifs provinciaux. On se demande, parfois, si cette inégalité n’empiète pas sur l’équilibre province-capitale.

“La problématique est aussi instaurée comme une encre indélébile chez les dirigeants de clubs provinciaux. Pour l’organisation de gala et des conférences de presse, l’attention est souvent portée sur la capitale. Et même certaines conférences de presse des équipes de provinces se tiennent dans des hôtels de la capitale. cela dénote la primauté de la capitale sur les villes de provinces”, a-t-on constaté.

« À Lascahobas, je ne me rappelle pas avoir vu un club haïtien réalisé une conférence de presse dans la ville. Pour avoir une information, on est dans l’obligation d’inviter les dirigeants Lascaobassiens à participer à nos émissions comme invité pour dénicher certaines informations », informe Alcius.

Dans ce schéma, les journalistes sportifs provinciaux seront privés d’informations de première main et attendront toujours les premiers éléments d’information des médias ou certains confrères de la capitale. cette situation est grandement délétère tenant compte la situation précaire de certains confrères et les médias qui n’arrivent pas à couvrir leurs frais de déplacement.

Couvrir le CHFP, un véritable calvaire

Guidés par leur passion pour ce métier ô combien astreignant, les journalistes sportifs de province suent sang et eau pour réaliser une couverture plus que parfaite du championnat national. Dans les différentes villes de province, ces journalistes de sport doivent remuer ciel et terre pour apporter les rencontres du CHFP sur le plateau des fans aguerris. Au-delà de cette folle passion pour couvrir la compétition, intégrer un terrain de jeu, parc ou stade s’avère difficile et parfois périlleux. Alcius nous livre ses impressions.

« Des fois, je veux couvrir un match du championnat national, le patron ou l’administration du média me dit qu’il n’y a pas de frais de déplacement. Qui dit pas de frais déplacement dit aussi pas de couverture du CHFP durant la journée pour moi et le média. Parfois, j’utilise mes propres fonds si le match est intéressant. En ce sens, s’ils (le patron et l’administration) n’ont pas de frais pour le déplacement cela veut dire automatiquement que les frais de téléphone pour commenter le match à la radio ne seront pas donnés. C’est le calvaire »

À côté du manque de souci de certains patrons de média en question, le journaliste sportif de province fait face à d’autres bagnes bien pires que pécuniaires. Gabrielle Rachelle nous énumère sa péripétie pour couvrir un match du CHFP.

“Je me souviens d’une fois, j’allais couvrir un match de l’AS Mirebalais jouant contre le FICA en 2019. Quand je suis arrivée, un type assurant la rentrée des spectateurs au parc ne voulait pas me laisser pénétrer. À ce moment, c’était une vaste campagne de blocage des journalistes. Même en montrant une carte de presse, il ne s’est pas laissé prier. Toutefois, il m’a conseillée de grimper le mur pour investir les locaux du parc si je pouvais. Comme il me restait que ça et que je voulais couvrir la rencontre, j’ai dû grimper le mur avec mon pantalon jeans. Ce soir, j’ai passé la nuit fiévreuse ”, a-t-elle martelé. Au fait, la croix semble lourde à charger et le calvaire semble infini pour ces acteurs de la presse.

Journaliste provincial, salaire exécrable

Mise à part des conditions de travail déplorables, les journalistes de sport provinciaux subissent la véritable problématique du salaire. En province, chacun vit sa galère quand il s’agit de payroll et de rémunération.

“Quand j’étais à la radio Hit FM en 2019, je percevais un salaire mensuel de 3.000 gourdes (25 $ us taux du jour). Je n’arrivais pas à joindre les deux bouts.” révèle Samsonite Pierre.

Après avoir délaissé ce média provincial, Mme Pierre a pu intégrer une agence de presse sportive haïtienne bien connue “Ferisport”. Cette dernière ne perçoit rien comme salaire sinon des gestes qui se font que rarement. Du bénévolat ! Toutefois, cette déclaration confirme son amour malgré tout pour ce métier « C’est mon amour pour la profession qui me permet de continuer ».

D’autres journalistes concernés par cette situation de fait gèrent ces manquements à leur façon. Loudentz Méus, journaliste à Mirebalais, perçoit son salaire mensuel de 2, 500 gourdes (21 $ us) chaque année. En accumulant les 12 mois “C’est tellement faible”, cela ne lui permettait pas de subvenir même aux besoins les plus élémentaires. Si l’on se réfère au calcul, son salaire annuel est égal à 30.000 gourdes. C’est tout simplement l’équivalent du salaire mensuel de quelques journalistes sportifs de la capitale.

Quelle satisfaction dans tout ça ?

Comme dans tout désert, l’oasis n’est parfois pas loin. Alors dans ce carcan que vivent les journalistes sportifs de province, certains affichent un certain assouvissement bien que passager.

<< La satisfaction survient avec les grandes compétitions internationales comme : la Coupe du monde ou la Coupe d’Europe. À la radio Panic FM, en 2018, après la Coupe du monde, j’ai reçu une enveloppe de 50 000 gourdes et ceci parce que j’étais l’un des ténors de la section sportive. Les autres s’en sont sortis avec une enveloppe moins jolie. >> confie Loudentz.

Néanmoins, cette somme, représentant une satisfaction pour les journalistes sportifs de province, n’est qu’une pitance comparée à celle perçue par des journalistes sportifs de la capitale lors des compétitions internationales.

D’après une source anonyme, des journalistes sportifs de l’un des plus grands médias de la capitale ont reçu des sommes de 500.000 gourdes et de presqu’un million de gourdes pour les ténors (Télévision), soit 10 jusqu’à 20 fois plus que celle perçue par les provinciaux. Même dans la satisfaction, la différence laisse à désirer.

Par ailleurs, la venue des compétitions internationales est moins radieuse pour des journalistes sportifs dans des médias de la dernière zone en province. Faute de sponsor, la situation ne peut pas être améliorée. Un journaliste sportif provincial vivant dans cette situation nous a fait part de son étonnante satisfaction.

<< Compétitions internationales ou pas, on n’est pas payé de façon considérable à la radio. Ma seule satisfaction réside dans le fait que je peux recharger mes gadgets électroniques gratuitement, bénéficier du WIFI de la radio et commenter les matchs de mes équipes préférées. >> se moque la source.

Aussi hilarante que cela puisse paraitre, c’est une histoire à glacer le sang qui mérite une considération particulière.

Les défis rencontrés par les journalistes sportifs provinciaux haïtiens décrivent une réalité indéniable qui induit d’énormes frustrations, de colères et un sentiment d’abandon. Cette existence effective ô combien criante donne comme résultat, la médiocrité et le manque de compétence chez cette catégorie de journalistes. Ces derniers qui ont souvent bien l’intention de jeter l’ancre doivent leur envie folle de continuer à leur amour et à leur passion pour la profession.

Daniel Jean / FOOTKOLE


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