FOOTBALL- ANALYSE : JOUEURS HAÏTIENS, QUEL ÂGE AVEZ-VOUS ? ( PARTIE II)

Si dévoiler son âge est tabou en Haïti, dans le milieu du football, la falsification semble être la norme et implique tout un réseau d’acteurs agissant selon des desseins divers. Quels sont les mécanismes utilisés à cet effet? Quels sont les rouages de l’usage de faux documents dans le football en Haïti ?

Parmi les premiers lieux privilégiés de ce phénomène de falsification de documents, on trouve des écoles de football ou des établissements scolaires où des moniteurs et des formateurs, au lieu d’inculquer les valeurs sociales aux plus jeunes, s’adonnent à coeur joie à la falsification. Mus par le désir de gagner à tout prix, ils oublient même leur mission principale et sont les premiers à intégrer les enfants dans ce vaste couloir de corruption. Des écoles se font exclure de championnats interscolaires pour usage de faux documents ! Et ce fait anormal passe à long terme pour la norme aux yeux des enfants qui vont plus tard récidiver. C’est pourquoi, ce phénomène devient récurrent dans le championnat national haïtien de football et même au Ranch de la Croix-des-Bouquets.

Pour y arriver, les acteurs de ces fraudes utilisent divers mécanismes et profitent des failles du système d’enregistrement haïtien.

Premièrement, certains actes de naissance étant réalisés tardivement, les joueurs voulant intégrer les sélections de jeunes (U-15, U-17, U-20), prétextant la perte de certains documents lors de catastrophes naturels, se font parfois délivrer d’autres pièces d’identité dans lesquelles ils mentionnent une autre date de naissance. Par exemple, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le gouvernement avait pris le décret du 4 juin 2011 permettant aux personnes victimes et ayant perdu leurs pièces de se faire enregistrer. Alors, certains en ont profité pour se procurer de nouvelles pièces d’identité en changeant leur date de naissance.

Par ailleurs, certains arrivent même à intégrer les équipes de jeunes en prenant carrément l’identité d’un membre de leur famille beaucoup plus jeune. Selon un ancien cadre de la fédération interrogé à ce sujet, sous couvert d’anonymat, “ces faits se réalisent avec la complicité des responsables des sélections de jeunes et des hauts responsables de la FHF”. Ce dernier a mentionné plusieurs autres actes impliquant les responsables de sélections. Par exemple, la FHF n’ayant jamais organisé les championnats de jeunes, les documents (actes de naissance, passeport) de ceux qui étaient retenus au Ranch de la Croix-des-Bouquets et qui n’avaient pas encore voyagé avec la sélection auraient été tout simplement modifiés pour faciliter leur intégration dans les prochaines équipes de jeunes de différentes catégories. Ces faits relatés par l’ancien cadre de la FHF concernent des jeunes nés en 2001 et en 2004 retenus au Ranch de la Croix-des-Bouquets. Aussi, l’usage de faux pour ces jeunes deviennent un plan de secours pour pallier à la non tenue de championnat national de jeunes en Haïti.

Ainsi, exploitant à outrance les failles du système d’enregistrement en Haïti et organisant un vaste réseau de fraude, des responsables d’écoles, de centre de formation de football, ont fait fi des valeurs sociales et de leur mission pour mettre en place un vaste système de fraude en ce qui a trait à l’âge des joueurs pour faciliter leur intégration dans les équipes.

Quels intérêts motivent ces décisions ? Qu’ont-ils à y gagner ? Et surtout que dit la loi à ce sujet ?

Réponse dans le prochain article….

DOMOND WILLINGTON / FOOTKOLE